Une des raisons qui nous poussent à faire du théâtre n’est-elle pas de jouer autre chose que ce que l’on est ? Ne sommes-nous pas d’autant plus au centre de l’art de l’acteur que nous jouons des rôles éloignés de nous ? Cette intuition est au centre de ce stage. Il s’agira en effet de faire travailler acteurs et actrices sur des rôles loin de leurs « emplois » habituels — emplois qui, malgré la diversification du répertoire, perdurent encore fréquemment dans les logiques de distribution (la jeune première, le méchant, le barbon, etc.) —, en travaillant des rôles qu’on pourrait qualifier de « contre-emplois universels » : les rois et les animaux.
Les rois parce que ce sont toujours des personnages doubles, partagés entre l’homme (ou la femme) et la fonction, entre la chair et le titre. Ce n’est pas un hasard si le théâtre a souvent donné à voir les tremblements autour de la couronne : couronnements, dépositions, usurpations, méditations sur le poids de la couronne — comme si la royauté incarnait un absolu perpétuellement inaccessible, toujours in–incarnable. Quant aux animaux, ils occupent une place singulière dans le théâtre occidental, en quelque sorte inverse de celle des rois qui en occupent le sommet : à la fois grands absents de cet art (les personnages d’animaux y sont bien moins fréquents que dans le roman ou le cinéma), sans doute entre autres à cause des difficultés d’incarnation qu’ils posent, ils ne cessent pourtant de revenir tout au long de l’histoire théâtrale, comme un refoulé, surtout dans les genres mineurs — le cirque, la farce, la féérie, le théâtre de foire — et certaines pièces singulières.
Côté rois, un accent particulier mis sur Boris Godounov (Pouchkine), mais d’autres dramaturgies pourront bien entendu être abordées ; côtés bêtes, ce stage sera l’occasion d’un panorama des rôles d’animaux dans le répertoire occidental (d’Aristophane à Mayorga). Certaines pièces comme Le Roi cerf (Goldoni) ou Chantecler (Rostand) permettront même de faire se marier ces deux extrêmes.
Ce travail ira de pair avec une technique d’interprétation aux antipodes de la psychologie de personnage, et ancrée dans un jeu physique, puissant et terrien. Ce serait comme travailler la lumière avec des couleurs sombres et l’ombre avec des couleurs lumineuses. Ce stage s’adresse à des acteurs désireux d’expérimenter leur puissance physique, sans peur du lyrisme et de la bouffonnerie.
L’ensemble du stage se fera en cohérence avec la pratique particulière de la troupe du Nouveau Théâtre Populaire, élaborée depuis sa création en 2009 : intensité et brièveté des répétitions, radicalité des choix esthétiques, engagement total dans le jeu, autonomie et liberté des interprètes. Dans cette logique, nous nous donnons pour objectif de récapituler l’ensemble des scènes traversées à l’occasion du dernier jour du stage, en extérieur et tambour battant.
Objectifs pédagogiques :
- Inventer une mise en situation dans un temps de travail très court.
- Engager le corps et la voix de l’acteur dans le cadre d’un théâtre de la pauvreté.
- Développer l’autonomie de l’acteur.
- Développer un jeu physique, non psychologique, ancré dans le corps et sa dimension animale
- Augmenter sa puissance scénique vocale et physique en expérimentant le théâtre de plein air.
Le site du Nouveau Théâtre Populaire